J’écris à l’ombre des micocouliers, de retour de Marseille, face à nos carrés.
L’automne est là. Depuis ce matin. Malgré une chaleur d’été.
Seule la lumière a changé, alors que nous allons parvenir au point de
parfait équilibre jour-nuit.
Ce dimanche 23 septembre c’est l’équinoxe.
Le grand voyage vers. Lumière-ténèbres
Expérience annuelle et récurrente de notre transformation
Que s’est-il passé pour chacun d’entre nous
entre
ce samedi 22 septembre 2017
et
ce dimanche 23 septembre 2018 ?
Nous avons tous vécu une expérience particulière
de transformation.
Qu’en est-il de celle liée à notre propos poético-jardinier ?
Était-ce seulement une jolie idée ou véritablement le socle d’un devenir ?
Et comment ?
L’entrée dans une philosophie qui peut aussi changer le cours de la vie.
En vrac,
L’étonnement joyeux face à l’enthousiasme immédiat de tous les jardiniers.
L’attachement sensible à leur carré
La joie de nos retrouvailles à chacun de nos rendez-vous
La générosité et la créativité de chacun
La prise de conscience de l’ampleur de la tâche
La pertinence du comment faire le lien avec Marseille ? Du pourquoi ?
Mon interrogation sur la place des femmes dans mon héritage maternel.
Que voulaient ces femmes ? Qu’ont-elles fait pour être ?
Quel était leur lien à leurs terres ?
Quelle place ont-elles donné aux hommes, à l’amour, au féminin, à l’engagement,
à la connaissance, au politique, au spirituel, au religieux ?
Mystique transcendante, immanente ?
Thérèse, Rose-Marie, Mireille, Anne,
j’appartiens à ce carré au féminin qui m’a accompagnée durant ces quatre saisons.
Dans mes déambulations marseillaises. Dans les heures passées au jardin.
Je m’interroge sur ce qu’induit un lieu dans une histoire personnelle et collective.
Un individu dans une famille dans une ville. À la campagne.
J’ai vécu l’expérience de la matérialité d’un ancrage à travers le jardin .
Après la maison, aujourd’hui je m’attache au jardin. Notre dialogue existe.
L’enthousiasme de sentir ce collectif, moteur de mon installation ici
accompagnant mon désir de changement profond
Frottement des temporalités entre la nature et nous—qui en sommes, pourtant.
Nous ne sommes que lenteur, nous voulons la vitesse, l’immédiat et tout
nous pousse à cela
Long de rester dans la mobilisation d’un collectif, à distance pour la plupart
Court, très court—quatre saisons— même pour un jardin débutant
Je me suis interrogée sur :
Le sens individuel que chacun peut mettre dans un tel projet.
J’espère avoir quelques réponses au cours de ce week-end de clôture
Le sens du silence
et
Le lien à l’écrit, comment est-il ressenti par les autres
Le lien à l’image
Le lien aux sons
Que signifie pour chacun s’engager dans un tel projet ?
Pour moi,
c’est
la volonté d’inscrire une expérience poétique à long terme
de la poursuivre en solitaire.
avec le secret espoir que de loin en loin
les uns et les autres continuent à s’y intéresser.
Mon désir de partages et ma curiosité de l’avenir restent intacts.
Je découvre qu’on peut—un peu— guider la nature, mais qu’elle s’organise aussi, parfois—souvent
seule, avec beaucoup de grâce.
L’idée de déplacer les plantes à l’issue d’une année
me semble aujourd’hui être un choix difficile car
je me suis déjà attachée à observer leur évolution.
Et j’ai aussi beaucoup travaillé à m’en occuper
J’aimerais penser vraiment ce jardin. Comme les jardins du moyen âge. En chercher la nécessité.
La nécessité réelle, et symbolique.
Donc réelle
Je sens confusément qu’il faut de la patience et que mon inexpérience m’empêche d’envisager un ensemble. Je dois seulement me laisser guider par ce jardin. Être à son écoute. Le regarder. Le sentir. L’aimer comme un corps vivant.
Et être là.
Le livre en train de s’écrire tire sa matière de la forme de cette expérience.
Je ne sais pas véritablement ce qui se tisse à travers les lignes.
Dans la lenteur et la profondeur.
Dans l’être. La simplicité. L’opacité qui s’impose.
Conscience que j’ai de ne pas avoir laissé durant cette année
assez d’espace à ce seul projet.
Une question plus large, concrète et symbolique :
celle des frontières et de l’appartenance.
Le lien historique d’appartenance. Et le sentiment réel d’appartenance
J’ai un lien historique avec Marseille et la Méditerranée. Mais je me sens plus étrangère là-bas que sur cette terre où je vis depuis seize saisons.
Tiens, seize carrés, seize saisons !
Et Camus? Et l’Algérie?
Qu’en est-il des migrations, des déplacements, de la réalité et de l’avenir de ceux qui sont contraints. À migrer. À rester.
Comprendre qu’on peut venir d’ailleurs et se sentir chez soi
De qui est-on l’enfant ?