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ÉCRITURE ET SOLITUDE, TÉMOIGNAGE D’UNE EXPÉRIENCE AUTOUR DE LITTORAL 12
publié en 2012 Poésie Flammarion
REVENANT SUR CETTE EXPÉRIENCE, JE LIVRE ICI UNE RÉFLEXION SUR L’ÉCRITURE POÉTIQUE TELLE QU’IL M’ARRIVE DE LA PRATIQUER
Choisir un paysage géographique comme cadre d’écriture et le traverser absolument seule fait partie du processus que j’ai choisi pour l’écriture de certains de mes livres. Il s’agit en quelque sorte d’élargir l’expérience, le déplacement, tout le protocole imaginé agissant comme révélateur.L’épreuve poético-argentique passe alors obligatoirement par ce bain de solitude. Ainsi peut monter parfois un chant. Une forme poétique inédite. Ainsi peut se révéler un monde perçu et ignoré à la fois.
Ce phénomène reste incertain et mystérieux
Ce livre s’écrit au cours de l’année 2012. Le nombre 12 est au centre du processus.
Il s’organise autour de 12 chants composés à l’occasion de 12 voyages solitaires. L’écriture tisse ma propre expérience avec celle du personnage d’Ulysse qui accomplit 12 voyages et Hercule 12 travaux. Un douzain en alexandrins est présent dans chaque chant et dans le douzième chant, 12 douzains en alexandrins dont certains sont rimés.
Tel est mon cadre d’écriture et celui de ma solitude.
Les déplacements sont imaginés en forme de cadran solaire—ou si l’on veut d’éventail— dont le point central est mon lieu de vie, à cette époque Paris, et va s’épanouir sur douze trajectoires jusqu’à la côte, de l’île d’Yeu à Zeebruges en Belgique.
Ce choix est dicté par une vision de moi courant seule interroger la mer en douze points de la côte, puis revenant à mon camp de base. Cette course qui devient simple déplacement s’effectue en solitaire et se vit dans une intensité particulière, animée par la curiosité, la peur parfois mais surtout par une profonde exaltation. Quelque chose de vibrant. De large et de libre. Ce cadre m’offre la liberté de laisser s’épanouir en moi des mondes inconnus.
La solitude ouvre un très grand espace de vide et abolit le temps.
Il s’agit de sentir profondément ce vide. De l’observer, de le laisser grandir pour voir apparaître peu à peu une forme, des images, des mots, une prosodie visuelle, selon la formule d’Isabelle Garron.
Je pense ici à la main du fœtus apparaissant grâce à la mort de milliers de cellules Cette expérience de solitude sera donc l’occasion de mourir à quelque chose, de faire place, pour laisser se sculpter le vivant (1) en moi : la poésie.
Au cours de chacun de mes voyages, dont le dernier est une traversée en cargo du Havre jusqu’à New York où ma fille Camille m’attend, j’emporte, entre autres choses, une grande banderole d’un mètre par 12 sur laquelle j’ai inscrit 12 ou les oreilles d’or. Les oreilles d’or est le terme employé pour désigner les personnes qui, dans les sous- marins, sont dotées d’une capacité acoustique permettant d’entendre les sons que le commun des mortels n’entend pas et de détecter ainsi la présence d’autres navires.
Symboliquement, l’épreuve de solitude permet cela. Elle décuple mes capacités, ma présence au monde, ma créativité. La solitude est l’un des éléments nécessaires à cette quête poétique et spirituelle.
Dans cette démarche, j’ai établi un protocole que je respecte à la lettre avec le même sérieux que celui des enfants qui s’adonnent à un jeu dont ils ont imaginé les règles, c’est-à-dire “avec gravité et en se donnant tout entier au jeu” comme l’écrit Philippe Dereux dans son Petit traité des épluchures.
Ne pas respecter les règles ferait totalement échouer le projet. Parmi ce protocole, outre des déambulations, un travail photographique et des prises de sons, j’ai prévu de planter ma bannière face à la mer.
Pour cela j’ai besoin d’aide. Mon protocole le prévoit. Je dois faire entrer dans mon espace de solitude, une personne inconnue qui passerait par là. Je dois attendre que quelqu’un passe...Ce qui va s’échanger entre nous est un mystère. Ce que je vais pouvoir expliquer, ce qui sera compris—ou pas— échappe aux prévisions. Et c’est précisément ce qui échappe, ce qui émerge à l’intérieur de ce cadre de solitude qui à chaque fois est un miracle, révèle du vivant et donne du sens. C’est ce qui m’intéresse. Et lorsque je retourne à mes carnets, à ma table de travail, j’y dépose de la matière vivante comme un sculpteur rapporterait un bloc de terre et chercherait à dégager la forme qui se trouve à l’intérieur. Je regarde cette matière. Je l’interroge. J’essaie d’appréhender l’énigme.
La présence du bord de mer est aussi une matière. Venir interroger la mer est une façon de retourner aux origines et d’essayer de comprendre ou plutôt d’éprouver ce que je fais là, dans ce moment, ici, face à cet élément liquide et sous ce ciel.
Comme en musique, seul le silence permet d’entendre, l’éprouvé de solitude est une manière de faire silence pour entendre.
Enfin, il faut embarquer et traverser l’océan. Mon Styx peut-être ?
Alors j’embarque sur un gigantesque cargo de 450 m de long. Je suis la seule passagère et durant 10 jours (j’aurais préféré 12 mais je ne maîtrise pas cette donnée) j’écris les douze derniers douzains de mon douzième chant. Je ne suis pas exactement seule puisqu’il y a l’équipage, mais je suis seule dans ma cabine, seule dans mes marches quotidiennes, seules face à l’immensité de l’océan, face aux ciels inouïs, de jour comme de nuit, face au vent.
Et surtout, je suis seule face au poème
Je me sens minuscule face à tout cela. Et pourtant j’éprouve une incroyable puissance intérieure.
Accoudée au bastingage, j’observe pendant des heures le sillage laissé par ce monstre des mers qui me transporte et cette trace qui se referme inlassablement derrière nous. Comme une blessure immédiatement cicatrisée. Une absence de trace visible. Sans doute parce que “ l’’eau est liée depuis toujours à la mémoire : là où tout est englouti, tout est peut-être intégralement conservé.”(2)
La solitude dans cette épopée contemporaine devient alors le lieu de la véritable rencontre.
(1) Jean-Claude Ameisen, La sculpture du vivant, Points
(2) Jean-Christophe Bailly, Le propre du langage, Seuil
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