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8ème arrondissement Marseille, le 4 octobre 2017

Me voici dans le 8 ème. Arrivé facilement après deux courtes stations en tram depuis la gare Saint Charles. Il est presque midi. Je juge plus sensé de m'arrêter dans un petit restaurant. Éviter les affres de l'hypoglycémie qui font qu'on ne voit plus rien, qu’on s'énerve et qu’on n’a plus l'esprit ouvert et curieux. Ventre vide, difficile pour moi  de vraiment regarder ce qui est autour.

Donc je m'assieds devant un plat du jour, un verre de rouge, un café.

Me voilà reparti à la découverte -enfin- de « mon » 8ème parcouru sur presque toute sa longueur par une artère, l’avenue du Prado. Large, flanquée de deux contre-allées, bordée de belles demeures, le Prado court vers la mer à peine arrêté par une statue immense d’un David, tourné immobile vers Marseille. Tout au fond, je ne sais pas encore si le bleu c’est celui du ciel ou celui de la mer. Mais plus j’avance, plus je vois, avec l'intensité de la lumière, l'appel troublant que représente la mer, ici mariée avec le ciel si proche de la côte. Voilà un arrondissement en villégiature éternelle et en partance incessante vers d’autres rives…

Je vagabonde ici et là dans le 8ème. Je découvre, surpris, les noms des lieux. Ils  sonnent beaux et sensuels : Plage de David, Plage du prophète, Bonneveine, Anse de la pointe rouge, Anse de la chapelle, Cap croisette, Plage du petit Roucas blanc,  Plage du grand Roucas blanc. Ces noms ont un parfum commun à ceux des côtes de toutes les mers. En Martinique, par exemple, Petit pilote, Pointe des cerisiers et pointe des chaudières, Anse du trou, Pointe morne rouge, Ravine maudite. De l’autre côté de Marseille, en Algérie : plage du grand rocher, plage du bateau cassé, plages des grottes merveilleuses, et encore celles-ci à Tipaza plage bleue, plage du Caroubier.

Lieux, nommés dans l’innocence poétique, non pas de la terre mais de la mer. Ce sont peut être des noms donnés par les marins et les pêcheurs approchant la côte. Des noms pour des lieux vus de la mer. Ces noms disent le sens des regards. Marseille se découvre de la mer tout autant que de la terre, ville double, trismégide, dont les deux faces sont comme des clés pour la comprendre. Ville qui reçoit de la mer – les hommes, les techniques, les biens précieux, les arts -   ville qui s’ouvre sur la mer : la construction des bateaux, les voyageurs, les explorateurs. Au loin d’autres terres, celles de l ‘Afrique et celles de l'orient

Je me suis laissé à rêver à la douceur des noms de ces lieux, ici… et à ceux de là bas. Comme des signes de pays et de gens destinés à se rencontrer.

Je marche sur la plage où se niche discrète,  une stèle dédiée à  Rimbaud.  Une invitation – encore ! - au voyage vers l’Afrique. Elle, déjà là, juste derrière l’horizon.

Envie de tendre les bras

Je reviens vers l’intérieur. Le parc Borély à l’image de ces jardins publics de mon enfance, légèrement ennuyeux, surtout le dimanche en novembre. Mais allons ! On est en octobre et le soleil est encore fougueux. Une cohorte affairée de ragondins du plus petit au plus gros colonise le bord de l’inévitable petit étang. Ils sont là, au milieu des canards et des oies. Le spectacle est insolite et pour le moins inattendu. Les enfants, habitués,  lancent indifféremment du pain aux canards et aux ragondins. Je suis un peu déconcerté par ces animaux car ce sont vraiment des rats. Pas l'air méchant certes mais quand même… Je m’éloigne.

Jardin botanique fermé ; j’aperçois à travers les grilles une présentation de jardins japonais. Zut… La Roseraie magnifique certainement à l'époque des fleurs en ce moment manque de couleurs. Je ressors, un peu las, de l'autre côté en direction du musée d'art moderne, le pouce de César trône au milieu d'un rond-point. Exposition temporaire de hip hop apprivoisé, reconnu, présenté dans une forme académique, dans un musée  - je constate que de tous les artistes présentés je n'en connais aucun, aucun danseur, aucun chanteur. je me sens un peu dépassé…

 Première visite terminée.

Je trouve rassurant de trouver dans ce bus qui me ramène vers le centre, comme une arche de Noé d’hommes venus des quatre coins du monde. Cette belle diversité des visages, dans ce 8ème arrondissement riche, me rassure. On parle des Bouches-du-Rhône oui mais on devrait aussi parler de la Bouche-de-Marseille qui prend tous ces hommes venus depuis l’antiquité buter sur cette côte. Se sont arrêtés là, avant de remonter aussi vers le nord. Marseille ville ouverte sur la mer, ville qui accueille le monde.

Bon, en vrac dans le 8ème : l'Institut français de la danse,  un autre de la coiffure, le château du parc Borély, la cité radieuse de Le Corbusier, le musée d’Art Contemporain. Et la mer,  toujours recommencée …

Sentiment de tendresse qui nait pour cette ville et ce 8ème.